Le rôle central des directions financières dans les reportings ESG
© optionfinance.fr, Chloé Consigny
Depuis une ordonnance de 2017, les grandes entreprises ont l’obligation de publier une déclaration de performance extra-financière (DPEF). Bien que souvent piloté au niveau des directions en charge du développement durable, cet exercice mobilise pleinement les directions financières. De quoi contribuer à rapprocher les deux départements et, dans le même temps, élargir les perspectives d’évolution de leurs membres.
L’annonce a fait le tour du réseau social LinkedIn et des plateformes de recrutement. Le mois dernier, le groupe Decathlon se mettait en quête de son futur rédacteur en chef de la Déclaration de performance extra-financière, dite « DPEF ». Rendu obligatoire en 2017 pour les grandes entreprises, ce document qui a remplacé le rapport RSE doit notamment recenser les risques environnementaux et sociaux liés à leur activité, mais aussi les actions mises en œuvre pour les limiter. Parmi les missions qui incomberont à la nouvelle recrue de la chaîne de distribution de produits sportifs : la définition de la charte éditoriale, l’identification des informations devant figurer dans la DPEF, la rédaction du rapport et l’animation des comités de relecture. Le poste est directement rattaché à l’équipe reporting, au sein de l’équipe développement durable. Au-delà des bonnes qualités rédactionnelles, l’annonce stipule qu’une « expérience actuelle ou récente sur un poste similaire en matière de reporting extra-financier est requise pour postuler ».
Un document stratégique pour la direction générale
Une recherche qui s’apparente à celle du « mouton à cinq pattes », comme le concède Rahel Damamme, stakeholder engagement & sustainability prospective manager chez Decathlon. « Pour ce poste, nous recherchons un profil rédactionnel et communication avec une parfaite maîtrise de la gestion de projet. Cette personne doit également avoir une appétence forte pour les sujets techniques en lien avec le reporting extra-financier. » Chez Decathlon, ce poste est une reconduction, l’enseigne ayant créé dès 2014 un premier poste de rédacteur RSE. Sept ans après, celui-ci a évolué. « Au fil des années, le sujet du reporting extra-financier a pris de l’ampleur et est devenu stratégique pour l’entreprise », assure Rahel Damamme.
Plus précisément, la DPEF doit comprendre une description des principaux risques inhérents à l’activité et des politiques appliquées correspondantes, avec résultats et indicateurs de performance (art. R. 225-105 du Code du commerce). Le rédacteur doit donc formaliser le modèle d’affaires de l’entreprise, tout en identifiant les risques auxquels celle-ci est exposée. Un poste multitâche pour lequel les profils de communicants sont bien souvent préférés aux profils financiers ou aux auditeurs. « Quelqu’un qui n’est doté que de compétences financières ne serait pas en mesure de répondre à l’ensemble des exigences requises pour la rédaction d’une DPEF », assure Bertrand Desmier, expert RSE associé du cabinet Tennaxia. De ce fait, les compétences rédactionnelles semblent primer toutes les autres. « De solides compétences rédactionnelles sont impératives, insiste Isabelle Mouret de Lotz, consultante en recrutement finance durable au sein du cabinet spécialisé Birdéo. En effet, il faut savoir synthétiser l’information et trouver des titres chocs. La moindre erreur de communication peut avoir des conséquences dramatiques pour l’entreprise ! »
Des qualités relationnelles éprouvées
Au-delà de ces impératifs rédactionnels, plusieurs compétences sont recherchées. « Tout d’abord, une très bonne culture générale du secteur dans lequel opère l’entreprise, poursuit Isabelle Mouret de Lotz : le candidat doit notamment être au fait de la réglementation et de son évolution. Enfin, le rédacteur doit également être à même de créer du lien à l’intérieur de l’entreprise. Il doit pouvoir être en dialogue constant avec l’ensemble des directions de l’entreprise afin de trouver la bonne information. » Ainsi, chez Decathlon, la recherche porte sur une personne avec une expérience significative en communication corporate (autour d’une dizaine d’années) et au fait des exigences du reporting. « Il est à mon sens plus compliqué pour une personne très technique de monter en compétence sur le volet communication, estime Rahel Damamme. Il est beaucoup plus facile pour un communicant maîtrisant parfaitement son sujet d’accroître ses connaissances en matière de reporting extra-financier. Au sein de l’entité que je dirige, un profil financier conviendra en revanche mieux pour prendre la responsabilité des process sur la partie fiabilité des indicateurs et relations avec l’organisme tiers indépendant qui nous audite chaque année. »
De fait, les liens entre les différentes directions sont aujourd’hui de plus en plus nombreux. La législation oblige les sociétés dont le chiffre d’affaires est de plus de 100 millions d’euros et dont le nombre de salariés est supérieur à 500 à faire certifier leur DPEF par un OTI (organisme tiers indépendant). En amont, les experts du chiffre planchent donc sur les données transmises aux directions RSE. « Le directeur RSE et le directeur financier travaillent de plus en plus conjointement sur la DPEF qui, du fait de l’évolution de la législation, est devenue un sujet transverse, précise Bertrand Desmier. Au fil du temps, les directions financières ont été amenées à considérer les directions RSE comme des directions beaucoup plus stratégiques. Je peux constater que chaque entité s’est enrichie au contact de l’autre : les financiers ont intégré des données RSE, tandis que les spécialistes de l’extra-financier visent à corréler capital financier et capitaux sociaux et environnementaux. »
Des innovations suggérées par les directions financières
Un constat qui se vérifie au sein de Decathlon. « Il y a deux ans, Domingos Antunes, directeur trésorerie et financement de Decathlon SA, est venu nous voir pour nous parler de son projet de crédit à impact. Depuis cette date, nous avons opéré un rapprochement important avec la direction financière », abonde Rahel Damamme. Un rapprochement certain qui laisse certains experts espérer la totale transversalité des sujets à l’avenir. « A un horizon de dix à quinze ans, je rêve qu’il n’y ait plus aucune direction développement durable dans les entreprises, mais que chaque direction s’empare à son niveau de ces sujets », poursuit Isabelle Mouret de Lotz. En attendant ce grand changement, les directions financières semblent conserver l’ascendant sur les directions développement durable. En effet, ce sont généralement elles qui fournissent les données pour la rédaction du rapport extra-financier et qui insufflent les innovations à ajouter au rapport.